Terminator 2 de James Cameron, the bravest pioneer.

Dans deux ans, si tout se passe bien, James Cameron livrera ses suites d’Avatar et promet de lancer un nouveau coup de pied dans le derrière ramolli du paysage cinématographique actuel, boostant ses possibilités techniques afin d’immerger toujours plus le spectateur dans le riche imaginaire de son auteur. Malgré le peu de communication autour de ce projet monstrueux, l’Histoire nous permet de partir confiant quant à la surprise qui nous attend, d’autant que la sortie en salle de son Terminator 2 en 3D nous a rappelé que le bonhomme savait comment aborder la suite d’un de ses films, c’est-à-dire sans se reposer sur des lauriers pourtant bien mérités.

En effet, et comme son Aliens (auquel nous avons consacré un épisode du ciné-club de M. Bobine) l’avait déjà laissé présager quelques années auparavant, James Cameron ne peut se contenter de la redite d’une œuvre précédente et préfère la réinventer entièrement, quitte à l’amener vers d’autres horizons et avec toujours en substance la volonté de pousser le médium cinématographique dans ses ultimes retranchements.
Fraîchement sorti d’Abyss et fort de son expérience d’utilisation d’effets spéciaux extrêmement complexes (la création du « serpent d’eau » représentait effectivement un véritable défi pour les infographistes de l’époque), Cameron commence ainsi à se pencher sérieusement sur Terminator 2, dont les droits viennent tout juste d’être rachetés à la Hemdale Film Corporation par Mario Kassar et sa société Carolco Pictures.
Tous les outils nécessaires alors rassemblés, la machine se met en route et Kassar pose en 1990 une deadline à Cameron pour que son film soit prêt tout juste un an plus tard pour l’été 1991.

Pressé par le temps, il puise nécessairement dans ses problématiques personnelles du moment pour orienter thématiquement son écriture et aboutira à un formidable script traitant principalement de la filiation et de la difficulté de gérer sa propre création.
On retrouve donc Sarah Connor qui doit maintenant assumer son rôle de mère et voit dans le Terminator une figure de père idéal pour John. Ce dernier doit faire face à son destin et à ce même Terminator qu’il a programmé et qui doit donc lui obéir. Le scientifique Dixon quant à lui, découvre le fruit apocalyptique de ses travaux. Tous les personnages sont donc confrontés à leur héritage et doivent choisir entre la fatalité qui phagocyte leur existence ou la transcendance par la création d’une alternative nouvelle. Même le Terminator se voit dans l’obligation de renier sa nature première de tueur sanguinaire afin d’accomplir sa mission.

Le nouveau émergera donc de l’ancien, et Cameron l’a bien compris, lui qui ira puiser son inspiration pour son révolutionnaire Avatar dans les westerns ou la mythologie orientale.
Terminator 2 est ainsi truffé de références et de citations héritées du premier opus dont le sens ou la mise en scène est systématiquement détournée afin d’offrir quelque chose d’inattendu.
Ce travail d’écho permanent poussa le cinéaste à adopter rigoureusement la même structure que l’original, de l’ouverture dans le futur dévasté au triple-climax, seulement dans l’optique de mieux l’exploser tout du long. En effet la première scène, située là-aussi dans le futur, s’attarde sur le sol jonché de crânes humains piétinés par les machines mais montre cette fois immédiatement un endosquelette Terminator que le film précédent ne révélait que dans ses dernières minutes.
La rencontre entre John Connor et le T-800 quant à elle renvoie par sa place dans le récit, par ses cadres et ses ralentis à celle de Sarah et du cyborg dans The Terminator, cependant l’interaction entre les personnages et leur fonction dans l’histoire sont diamétralement opposées. Les attentes générées par les spectateurs s’en trouvent alors largement dépassées

Terminator de James CameronTerminator

Terminator 2 de James Cameron

Terminator 2

Le traitement des personnages confirme cette note d’intention, la Sarah jeune et naïve du premier volet est désormais une guerrière impitoyable en proie à de sévères problèmes psychologiques, la machine à tuer qu’est le Terminator se révèle être le chevalier servant de l’histoire et le héros légendaire John Connor nous apparaît comme une petite frappe à l’égo surdimensionné. Des trois personnages qui reviennent du premier film, le seul à n’avoir pas radicalement changé est donc celui du psychiatre qui incarne l’incapacité de voir et de comprendre le monde qui l’entoure.
Cette volonté se traduit également dans le rapport particulier que Cameron entretient avec la technologie et qui infuse tant le fond de son œuvre que sa forme. Dans Terminator 2, il crée ainsi en images de synthèse son fameux T-1000 en métal liquide grâce aux possibilités nouvelles offertes par l’outillage informatique. Il utilise également des effets spéciaux physiques hallucinants à base de prothèses, de miniatures ou d’animatroniques créés avec l’aide du légendaire Stan Winston afin d’optimiser le rendu visuel de ses cyborgs. Il utilise aussi des trucages comme la transparence, déjà considérée comme archaïque à l’époque du tournage mais qui trouve ici une deuxième jeunesse par l’usage spectaculaire qu’il en est fait pendant les scènes d’action.

 

Effets visuels de Terminator 2 par Stan Winston

Cette dialectique entre ancien et nouveau est évidemment contenue dans la trame même de sa saga, où deux époques doivent se confronter et finissent par se mêler pour le salut de l’humanité. Les univers en présence renvoient aux fonctions d’écoute et de parole de l’esprit bicaméral : les machines, programmables, ne sont bonnes qu’à suivre les ordres, les humains quant à eux sont doués d’un libre arbitre et ont la capacité de s’insurger contre le fatum qui phagocyte leur existence. L’attitude rebelle de John Connor devient alors nécessaire pour contrecarrer les plans millimétrés de Skynet et fera de lui le sauveur que l’on connaît.
On retrouve le même schéma entre les marines d’Aliens et Ripley, entre la société figée et ultra normée de Rose qui rencontre celle plus libertaire de Jack dans Titanic. Bien sûr dans Avatar, la confrontation a lieu entre le monde des Hommes et celui des Na’Vi, dont la caractéristique la plus mise en avant est sa faculté de communication avec son environnement et avec ses ancêtres disparus.

Cette logique, constitutive du cinéma de James Cameron, se retrouve d’ailleurs dans les deux chocs cinématographiques à l’origine de sa carrière, à savoir 2001 : L’Odyssée de l’espace et Star Wars. Dans les deux cas, il s’agit de faire un pas en arrière pour pouvoir en faire deux en avant, de maîtriser la technique actuelle pour la faire évoluer, de confronter ce qu’une époque permet avec ce qu’elle permettra par la suite… Car, comme dans les Terminator, si les avancées technologiques peuvent détruire et se révéler néfastes, elles peuvent aussi donner naissance à de grands hommes, à l’image de James « John Connor » Cameron.

Alors vite, James ! Reviens rappeler au monde que l’avenir du cinéma est encore à écrire, et qu’il ne réside pas dans la nostalgie vaine qui gangrène depuis plusieurs années notre médium préféré !

Ben DAGORNE

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